Ce soir j'ai mal à en crever. Un beau château, une presque aurore boréale, une prise de conscience intersidérale mais seule, tellement seule. Une seule pourrait rompre le carcan qui implablement m'écrase. Maman. Ne même plus savoir comment écrire ce mot, banni de mes pensées, de mon vocabulaire. Oublié, occulté...
Et puis, sans crier gare, derrière (l'iPhone, visionnaire, écrit "déroute"...) ce mot, soudain les sentiments, les souvenirs qui affluent. Ne plus savoir ce que cela peut signifier. Maman c'est quoi ? 5 ans de PMA, 5 ans d'Alzheimer... 5 ans de piqûres que tu m'as pas appris à faire, 5 ans de douleurs que tu m'as pas appris à atténuer, 5 ans de haines que tu m'avais pas dites, 5 ans d'espoirs que tu m'as pas appris à gérer quand ça retombe et que ça fait si mal. 5 ans de compassion (si rare, 1, 2, 3 personnes?), pour lesquelles tu m'avais pas préparée. Et pourtant...
Tout ça, ça laisse tant de traces. Les larmes. Incontrôlables. Incommensurables. Celles retenues depuis des mois, des années. Le découragement. La lassitude. Avec qui partager ça ? Avec mon bébé poilu canin qui comprend tout sans qu'on lui dise ? Mais même s'il est là, Ça fait tellement mal. Et on est tellement seul. Maman, j'aimerais tellement pouvoir t'appeler, te demander ce que je dois faire, où je dois aller. Tu ne choisirais pas à ma place mais tu serais la, bienveillante, à m'écouter, à me conseiller, à ne rien dire, à m'aimer tout simplement. Tu m'as appris que je pouvais être aimée, qu'en reste- t-il au fil des ans, des déceptions, des trahisons ? Que reste-t-il de ce que tu as construit pas à pas, avec amour et attention, gâteau au yaourt et kalouga? Maman, hier tu semblais si fragile, hier tu dormais presque, hier tu n'étais presque plus là, hier j'avais tellement besoin de toi, hier j'ai essayé d'être là pour toi... Te dire que tout va bien, que tout ira bien, que tu n'as pas fait tout ca pour rien... Maman, tu me manques, tous les jours même si je ne le dis à personne, tous les jours méme si je n'en parle pas.
Mais en réalité à quoi bon en parler ? Mettre des mots sur tout ca pour ne pas mourir, pour ne pas être la pour rien, pour se dire que j'aurais peut être existé. Mais aux yeux de qui? Des lettres qui font mal, des lettres qui exorcisent, des lettres qui crient mais qui les lira ? Trop de lettres pour 140 signes, trop de douleur pour un éditeur, trop d'incompréhensions pour tous les autres. Électron libre je pensais être, électron perdu sans repères se retrouve-t-on quand le monstre veille. Pas celui du loch ness que tout le monde rêve et fantasme, mais celui que tout le monde fuit au fil des faux-fuyants: la solitude implacable comme un brouillard écossais, le mal d'enfant qui te tord le ventre et la tête, l'incapacité à être mère quand tu voudrais tant l'être. Le presque-néant quand on a 40 ans et qu'il n'y a pas grand chose qui vaille la peine à part faire semblant (de s'en foutre et d'aller bien). J'ai mal à en crever, j'ai un utérus en T, je suis cette nuit dans un château même pas hanté et le monde continuera - heureusement? - à tourner. Même quand tous les connards/innocents te demandent l'air de rien : "est ce que tu as des enfants ?" Apres tout, oui j'en ai un, il est tout poilu, a des grands yeux bruns et une jolie truffe,et j'emmerde ceux qui n'ont pas compris ça et qui ne méritent pas la moindre attention... Ma mère, elle, intelligence du coeur même si les neurones ne connectent plus tout à fait, le sait...