Un blog de FIV, entre difficultés, doutes et espoirs. Et avec des infos scientifiques sur l'AMP
Il n'y aura pas de jolie fin à cette 4e (et dernière en France) FIV-ICSI.
Malgré l'espoir fou qui nous habitait depuis le transfert, malgré la conviction que cette fois serait la bonne, malgré le sentiment de confiance un peu retrouvée dans l'équipe médicale avec le changement de centre PMA, malgré tout ce qui semblait s'enchainer (enfin) si bien (la nouvelle maison, la vente de l'appart, différentes autres petites choses...), malgré le vert et le bleu auquel je voulais tant croire, c'est du rouge qui est venu assombrir la fin de mon déplacement en Irlande.
Du rouge discret, insaisissable, qui disparait (laissant l'espoir ténu revenir...) mais revient mais du rouge qui signifie comme pour 3 des précédentes fins, la fin. Du rouge face auquel j'étais seule, à m'effondrer en larmes et à pleurer toute la nuit dans ma (jolie) chambre d'hôtel alors que je me voyais tant faire le test-pipi embarqué dans la valise, à distance mais presque ensemble pour partager une jolie nouvelle. Test que je n'ai pas eu le courage de dégainer seule et qu'on a fait ce matin avec le résultat implacable et pas l'ombre d'une nuance de 2e bande à l'horizon. Des retrouvailles à l'aéroport ce matin que je m'étais imaginée si différentes, pleines de larmes peut-être mais d'émotion, pas de cette rage sourde et de cette douleur qui t'écrase et qui me fait pleurer comme un petit animal blessé dès que je suis seule depuis mercredi après-midi.
Pas ça, pas encore l'échec, pas ces traces qui signifient qu'encore et encore, 3 de nos petits ont fini dans les chiottes, je ne sais pas quand, rejoignant leurs 10 "aînés" au fil des 3 ans de PMA. Pas cet échec cinglant qui te fait redescendre en chute libre alors que tu étais montée très haut dans l'espoir / l'auto-conviction / la bêtise de croire que tu pouvais prétendre au bonheur. Non, cela n'a pas l'air pour nous le bonheur... Et la question qui vient déjà: jusqu'à quand faut il essayer, espérer pour tomber à chaque fois encore plus bas, parce qu'on sait que la fin est proche, parce que l'âge, parce que le jour où on aura tout essayé. Alors penser à demain, à la semaine prochaine, quand on aura pleuré tout ce qu'on a à pleurer dans les bras l'un de l'autre, à la prise de sang pour valider l'échec pour l'hôpital, à ce qu'on décidera de faire "après".
Cet "après" dont je pensais qu'il n'arriverait pas parce que cette FIV allait marcher et nous donner l'enfant (ou les deux petits) dont on rêve, qui sont notre amour même si pas faits en faisant l'amour, des petits chez qui on pourrait traquer la fossette, le regard, l'épis, le nez de son papa ou de sa maman. Mais non, cela non plus, on n'y aura pas droit. Alors le chemin est déjà fait, et le choix aussi, de se dire que tout cela ne signifiera pas grand chose quand ce petit aura passé 9 mois dans mon ventre et sera là. Si seulement mon ventre en est capable d'ailleurs de porter la vie pendant 9 mois, ce qui semble bien ne pas être prouvé...
Et puis après, si les IAD ne marchent pas, si les FIV double-don ne marchent pas, si tôt ou tard, il faut bien s'arrêter, on fait quoi ? On devient quoi avec cette peine au fond du corps et de la tête ? Avec cette frustration et cette douleur lancinante quand les autres parlent à propos de tout et de rien d'enfant, de descendance, d'éducation, de transmission...
Quand en Irlande, le guide blague en disant que la maternité est le seul hôpital d'où l'on ressort deux fois plus nombreux qu'en entrant. Raconte comment ses parents ont eu un enfant mort-né et n'ont jamais pu en faire vraiment le deuil car il avait été emporté directement. Juste les heures d'après, celles où tu as vu les traces de sang, et quand tu as envie de dire, que même si ce n'étaient pas vraiment encore des bébés, toi tu en as perdu 13, dans les chiottes, sans savoir ni quand ni où. Quand tu te tais, parce que tu ne supporteras pas d'entendre un "ah oui mais ça finira pas marcher" ou un "ah mais pourquoi tu ne fais pas des FIV" ou que sais-je d'autre, quand cette douleur et cette peur de ne JAMAIS avoir d'enfant te tient au corps et au coeur et t'empêche de vivre. Et font que tu te tais la plupart du temps, fuyant les discussions et les regards dès que ça parle d'enfant, cachant ta peine et ta rage parce que toi, il semblerait que tu n'aies pas la chance de pouvoir vivre ça. Ce que les autres font tellement facilement. Vivre, fonder une famille, aimer, transmettre, apprendre, raconter, faire découvrir.
Et puis le retour, certes enfin dans les bras l'un de l'autre, mais aussi vers la dure réalité du boulot au bureau, avec toutes ces dates que tu avais négligé pensant bien que tu ne prendrais pas le risque de faire trop de route, ou d'aller à une soirée où l'on déguste du vin. Ben non, puisque cela devait marcher.
Et puis une enième mauvaise nouvelle boulot: le dernier gros contrat qui restait qui s'arrêtera dans quelques mois. Ah si le test-pipi avait dit autre chose, j'aurais pu me dire que j'aurais plus de temps et moins de stress pour me ménager un peu surtout si alitée n'est ce pas et donc moins mobile (j'avais déjà réfléchi à comment leur expliquer que je ne me déplacerais plus physiquement mais continuais mon activité). Mais non, je ne serai pas à réfléchir à me reposer, je ne fêterais pas mon anniversaire enceinte (ce mot que je commencais à peine parfois à oser prononcer tellement j'y croyais), je ne partagerai pas avec lui un très beau cadeau presque au moment de l'anniversaire de MrA, je ne fêterai pas le 1er Noêl dans la nouvelle maison avec un bébé. Non tout ça, il semblerait que ça n'arrive qu'aux autres, pas à nous. En ce moment, c'est plutôt une impression de poursuivre la lente descente à pic, dont on ne sait pas où ça va s'arrêter, enfin, ce cauchemar sans fin, quand les nuages, les soucis, les peines s'accumulent de tous les côtés. Jusqu'où ?
Je n'ai donc pas eu le courage d'appeler le véto pour savoir si les résultats de l'analyse de la tumeur étaient arrivés. Lui, mon cocker adoré, le seul qui soit capable de me faire sortir de ma tannière en cette après-midi sinistre. Et que j'étais contente de retrouver un peu remplumé comme il avait pas mal maigri. Et que je me prenais à imaginer sur la terrasse et dans le jardin devant mon bureau dans la nouvelle maison pendant que je serais sur une chaise longue ou un canapé à couver. Et à rêver d'avoir (au moins pendant quelques temps) mon chien à côté et mon bébé dans les bras.
Reste-t-il encore des chances que tout cela arrive un jour ? Ou faut il que je commence vraiment à réfléchir à une autre vie, une vie sans enfants, une vie non choisie ?
Edit du 31 mars
Taux du jour: inférieur à 1.
Même quand on le sait pertinement, le voir écrit noir sur blanc fait mal. Le noir dans lequel je sombre après le rouge des derniers jours et le bleu et vert dans lequel j'ai tant voulu croire. Et ça fait encore couler quelques larmes, si tant est qu'il en reste après un we à pleurer...
Lors de la prise de sang, on explique qu'on vient pour un bHCG, mais qu'on n'a pas d'espoir. On demande si on peut utiliser des aiguilles à ailettes, comme j'ai les veines difficiles, et l'infirmière, par ailleurs très gentille, qui répond "j'ai même mieux, des aiguilles pour nouveau-né". Et là, bien sûr, la PMette fond en larmes, car elle se demande si elle tiendra un jour son nouveau-né dans les bras... et l'autre se confond en excuses, consciente de la gaffe...
Notre quotidien à nous toutes, quand tout nous rappelle ce que nous n'avons pas et que nous n'aurons peut-être jamais...