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Un blog de FIV, entre difficultés, doutes et espoirs. Et avec des infos scientifiques sur l'AMP

Un plan pour la PMA par René Frydman

A mon tour, je relaie cet article paru dans le Monde par le sage Dr Frydman. A l'heure de la progression de l'infertilité, à l'heure de ces débats "stériles" sur la PMA pour tous, il serait temps d'écouter les gens qui savent de quoi ils parlent. Et de réflechir à un plan PMA pour la France, qui, peut-être pionnière en un temps, a bien reculé sur ces questions tant médicalement qu'humainement.

 

 

Un plan pour la procréation médicalement assistée

LE MONDE | 11.01.2013 à 15h20 • Mis à jour le 11.01.2013

 

Par René Frydman, médecin, chef du service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, hôpital Antoine-Béclère, à Clamart (Hauts-de-Seine)

 

Les parlementaires vont bientôt se positionner sur le mariage pour tous. Certains voudraient que les femmes célibataires et les homosexuelles en couple aient accès à la procréation médicalement assistée (PMA).

 

En posant cette hypothèse, il ne faudrait pas que l'arbre cache la forêt et que les insuffisances et les incohérences de la pratique de la PMA dans notre pays soient passées sous silence.

 

LE NOMBRE DE PMA EN CONSTANTE AUGMENTATION

 

Quinze pour cent des couples en âge de procréer consultent pour infertilité. Le nombre de PMA en France est en constante augmentation et va atteindre 70 000 tentatives par an : la création du Comité consultatif national d'éthique, les débats, les trois lois successives de bioéthique (1994, 2004, 2011) ainsi que la mise en place de l'Agence de biomédecine sont censés réguler cette activité.

 

Et pourtant les résultats ne sont pas à la hauteur de certains centres internationaux. Seule une femme sur cinq va accoucher après avoir bénéficié d'un prélèvement d'ovocytes en vue d'une PMA. Cette moyenne - faible (18 à 20 %) - traduit des anomalies ici ou là.

 

Mais l'absence de transparence des résultats centre par centre (à l'inverse des Etats-Unis ou de la Belgique, où ceux-ci sont disponibles sur Internet) crée une omerta dont pâtissent les couples, en manque d'information.

 

Constater des insuffisances devrait amener à deux types de mesures correctrices :

 

1. investir encore afin d'utiliser les normes de personnels et de matériels comparables à l'excellence de centres de référence. Trop de responsables administratifs, universitaires ou médicaux considèrent la médecine et la biologie de la reproduction comme une thématique secondaire ;

 

2. développer la recherche, seul facteur d'amélioration. Or l'interdiction de la recherche sur l'embryon érigée en dogme dans notre pays (avec des dérogations exceptionnelles) est un frein à l'innovation.

 

Cela aboutit par exemple à avoir interdit pendant plusieurs années aux équipes françaises de procéder à la congélation d'ovocytes par vitrification, les essais étant jugés assimilables à la recherche sur l'embryon qui doit être autorisée mais encadrée.

 

Les organismes de recherche (Inserm, CNRS) d'un Etat laïc doivent pouvoir nommer, identifier, promouvoir le thème du développement précoce humain.

 

La littérature scientifique internationale montre que l'analyse de la potentialité du développement de chaque embryon est en cours. Ailleurs, des études génétiques directes ou indirectes sont pratiquées dans cette perspective.

 

Etre empêché de rechercher le potentiel de développement ou les capacités d'implantation de chaque embryon revient à faire de la médecine en croisant les doigts ou en priant pour qu'il y ait grossesse. Ce qui aboutit à recommencer encore des tentatives de PMA infructueuses, proches de l'acharnement thérapeutique, au détriment des femmes et des couples.

 

La liste de nos carences et de nos incohérences ne s'arrête pas là. Près de 8 000 femmes françaises qui peuvent se le permettre passent les frontières pour bénéficier d'un don d'ovocyte impossible à réaliser dans notre pays.

 

LE DON D'OVOCYTE RÉMUNÉRÉ POUR LA DONNEUSE EST CONDAMNÉ

 

Peut-on rappeler cette incohérence : le don d'ovocyte rémunéré pour la donneuse est condamné en France au nom de la gratuité du don d'organe. Elle reçoit néanmoins le remboursement partiel de ses frais par la Sécurité sociale...

 

Plus grave : est-il supportable que des familles transmettrices de maladies génétiques graves et incurables attendent près de deux ans en région parisienne pour avoir accès à la PMA pour diagnostic pré-implantatoire afin d'éviter que leur enfant soit atteint ?

 

Pendant cette attente, de très nombreuses familles se découragent et tentent la survenue d'une grossesse spontanée. Certaines aboutiront à la naissance d'un enfant indemne mais la majorité de ces grossesses se termineront par une fausse couche, une interruption médicale de grossesse, ou pire, par la naissance d'un enfant atteint de l'anomalie génétique.

 

Est-ce de la bonne médecine que de limiter à quatre centres hospitaliers pour tout notre pays cette activité cadrée depuis douze ans ? Cette attente pour les familles est insupportable.

 

A-t-on informé les femmes concernant leur horloge biologique ovarienne qui les dessert de façon préjudiciable, de même que l'effet délétère du tabac, de la malnutrition, du stress ? Où sont les campagnes d'information alors que celles-ci existent pour dépister le cancer du côlon, du col de l'utérus ou du sein ?

 

Pourquoi ne pas dépister le statut de fertilité lié à l'âge ? Autour de 33-35 ans, une étude de la "réserve ovarienne" par une prise de sang et une échographie permettrait un état des lieux et éviterait de dire : "Je ne savais pas."

 

La constatation d'une infertilité progressive pourrait permettre à certaines femmes de reconsidérer leur projet de vie jusqu'à conserver leurs propres ovules si elles ne peuvent avoir un enfant avant 35 ans.

 

Certes l'efficacité de la congélation d'ovules est loin d'être totale et n'est pas la panacée. Mais aujourd'hui, selon la loi de 2011, une femme ne peut conserver ses propres ovocytes que si elle a un cancer ou si elle participe à un programme de don d'ovules.

 

Puisque l'on parle de l'autonomie des femmes, parlons donc de l'autoconservation des ovocytes et de la prévention de l'infertilité que celle-ci autorise.

 

On le voit, il y a nécessité à réformer le dispositif et à proposer un cadre cohérent, performant, pour toutes les PMA que l'on prend en charge depuis trente ans. Alors, faut-il esquiver la demande des femmes seules ou homosexuelles en couple ?

 

Non, mais en ouvrant l'accès de la PMA aux femmes célibataires, aux couples de femmes, on ne fera pas l'économie d'une interrogation sur l'anonymat du don. L'enfant d'un couple hétérosexuel ayant recours à un don de sperme anonyme a un père et une mère. Le père (non biologique) assume sa paternité, soutenu par l'arsenal législatif.

 

LES INSUFFISANCES, LES INCOHÉRENCES DE LA PMA

 

Dans le cas d'un don de sperme anonyme à un couple de femmes, ne serait-il pas souhaitable que l'enfant puisse avoir accès à ses origines et que celles-ci ne lui soient pas gommées puisqu'il n'aura pas d'autres référents masculins tout en sachant qu'il est issu de la rencontre d'un spermatozoïde et d'un ovule.

 

Ce qui serait valable ici le serait aussi pour les couples hétérosexuels. Restera à évaluer l'impact de ces mesures sur le délai d'attente, déjà de douze mois, et sur le recrutement de ces nouveaux donneurs non anonymes.

 

On le voit, les insuffisances, les incohérences de la PMA dans ses indications médicales persistent. Les questions sur la PMA d'indication sociétale sont importantes et ne peuvent être traitées à la va-vite à l'occasion d'un autre texte de loi qui ne l'aborde pas.

 

Ne serait-il pas plus judicieux de proposer un plan concernant la péri-conceptologie (la périnatalité à son tout début) sous tous ses aspects (information, prévention, excellence, recherche), ce qui permettrait à notre société de s'adapter à son évolution et au développement de la recherche scientifique, dans un cadre éthique qui garderait comme principe fondamental la non-commercialisation du corps humain.

 

Il y a déjà eu un plan cancer, un plan Alzheimer. A quand le plan PMA ? Ce serait une forme de respect pour celles et ceux qui y ont ou y auront recours.

 

René Frydman, médecin, chef du service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, hôpital Antoine-Béclère, à Clamart (Hauts-de-Seine)

 

René Frydman, le père

 

du premier bébé-éprouvette français, a été membre du Comité consultatif national d'éthique,

 

de la Commission nationale consultative des droits

 

de l'homme et chargé de mission au ministère de la santé auprès de Bernard Kouchner

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