Un blog de FIV, entre difficultés, doutes et espoirs. Et avec des infos scientifiques sur l'AMP
A propos de mes angoisses si cela ne marchait pas, à propos de bioéthique, de misogynie, de science qui n'avance pas si vite et de loi qui stagne... Une pensée un peu chagrine me traversa l'esprit en ce matin d'août et d'attente: si cela ne marche pas, que nous reste-t-il, quelle alternative, quelle option, quelle autre chance ? Si on réfléchit bien, en l'état de la science et de la loi: RIEN... Je m'explique: Nous sommes en FIV-ICSI, la cause (celle qui est connue du moins depuis le départ) d'infertilité masculine est censée être jugulée par l'ICSI, la réponse à la stimulation semble correcte au fil des tentatives, la récolte ovocytaire (si on se donne les moyens de la faire sans trop de souffrances) et la maturité des ovocytes satisfaisantes, le taux de transformation Ovocytes / Embryons pourrait être bien pire, nos embryons survivent à la culture prolongée (pas tous certes mais il en reste). Donc s'il devait ne pas y avoir d'accroche cette fois encore, c'est que c'est "là" que ça coince, après le transfert. Pas de surprise absolue, l'utérus en question n'est pas top qualité ou du moins top configuration (utérus en T distilbène) même si jugé d'un volume suffisant et compatible avec une grossesse. Mais à ce stade là, que peut on faire de plus ? Nul (et surtout pas les médecins) ne semble connaître les mystères et la recette magique pour assurer une nidation: on peut bien se gaver de progesterone pour assurer un terrain favorable et d'aspirine pour augmenter la vascularisation, faire de l'acupuncture pour optimiser les flux énergétiques et de l'ostéo pour préparer morphologiquement le terrain (j'ai tout bien fait comme il faut, tout tenté, tout essayé !), se reposer, se détendre, s'y consacrer ou ne pas trop se focaliser: on ne sait pas ce qui fait que les embryons s'accrochent (ou pas). Et on se sait pas comment contourner cette étape et de toutes façons, on ne sait pas faire sans ventre féminin pour faire grandir un bébé ! Et voilà où ça peut sonner le glas de nos espoirs, de nos efforts, de nos envies. Si on peut et sait aider à avoir plus ou de meilleurs ovocytes et/ou spermatozoïdes (via les stim, l'ICSI ou le don...), là, il n'y a plus de solution. La gestation pour autrui est interdite en France, l'utérus artificiel n'existe pas. Alors on fait quoi nous ? Comment font les couples qui ont un problème à ce niveau là, sur lequel ni la science ne sait, ni la loi ne veut agir ?
Si j'ai choisi ce titre, c'est parce que le choix de la culture prolongée des embryons était clairement dans l'objectif de comprendre "à quel moment" ça "coinçait". Oui et c'est bien et nous donne aussi de meilleures chances d'implanter les meilleurs embryons, les plus viables, ceux qui ont passé le cap des premiers jours et semblent vaillants et parés pour la suite. Mais le jour de cette décision prise lors d'un rdv quémandé pour débriefer l'échec précédent avec The grand ponte du centre, j'en ai pris plein la gueule avec des réflexions dans le genre "nous, on a bien travaillé" dit par ce très délicat et très misogyne médecin en regardant Mr A. Sous-entendu: c'est ELLE qui foire le coup. Alors oui je me sens sur la sellette et je m'attends si cela ne marchait pas, à ce qu'on me fasse comprendre que c'est moi la fautive, l'incapable. Alors oui comme dirait Mr A "on les emmerde, c'est un c..., je t'aime" et lui bien sûr ne me fera jamais ce reproche. Mais si cela ne marche pas, qu'est ce qu'il nous reste ? Nos yeux pour pleurer ?
Alors parfois la rage m'envahit: pourquoi moi, personne ne sait comment résoudre "mon" problème (partagé bien sûr par beaucoup d'autres femmes suite à ce p... de distilbène, à un cancer, ou à divers autres maladies, je ne suis pas la seule).
Pourquoi aucune recherche, aucun labo ne semble s'être beaucoup penché sur les solutions type utérus artificiel ?
Pourquoi la loi n'autorise-t-elle pas la gestation pour autrui sur indication médicale et de façon strictement encadrée ? Bien sûr, loin de moi, l'idée de vouloir favoriser une espèce de "commerce" ignoble du corps humain mais n'y a t-il pas un altruisme aussi beau dans le fait de donner ses gamètes ou un de ses organes que dans le geste de "prêter" son utérus à une femme qui en a un malformé ou qui n'en a plus ? Y compris au terme d'un "juste" et tout à fait normal dédommagement pour l'investissement moral et physique que cela représente pour cette femme mais au nom de la solidarité. Par exemple, dans d'autres pays, le don d'ovocytes est rémunéré, cela me parait plus que normal quand on sait ce que cela signifie pour les femmes qui font ce geste, et il y a donc plus de donneuses. Il suffit comme dans les essais cliniques (pharmaceutiques ou cosmétologiques) d'encadrer les choses et de prévenir le fait que certains y voient une source de revenu. Il doit s'agir de compensation mais elle est légitime à mon avis.
Derrière tout cela, cet immobilisme et ces considérations bien-pensantes offusquées, je ne peux pas m'empêcher de penser qu'il y a le relent d'une vieille culture catho-chrétienne et d'un vieux réflexe misogyne et des enjeux de pouvoirs et de représentation de la société qui dépassent ces questions là. Parce que c'est tellement mieux de renvoyer les femmes à leur "responsabilité" et à leur "faute" sur ces problématiques de fécondité, de gestation... Je rappelle que dans certains pays d'Afrique, certains hommes "punissent" et mutilent leurs épouses si elles ne parviennent pas à leur donner un enfant et surtout un fils et que cela a été toléré pendant longtemps par tous dans ces pays là. Ici, on répudiait bien les reines infertiles ou qui n'enfantaient pas de garçons... Bien sûr, l'infertilité, c'est d'abord la faute des femmes, of course !
Alors oui j'enrage de voir la stérilité (c'est le cas de le dire !) des débats sur la loi de bioéthique avec tous ces pseudo-pontes qui se masturbent le cerveau avec des questions tellement dépassées parfois, de voir que rien n'a vraiment avancé depuis 1994 et je précise que ces questions là ne sont ni de droite ni de gauche et que ce n'est pas dans un stérile (encore !) débat politique qu'il faut chercher les réponses mais dans la société qui évolue, dans la science qui apporte de nouvelles solutions et en faisant avancer les lois qui ont bien trop souvent un train de retard (version SNCF donc cela fait beaucoup de retard!). Et j'enrage de voir tout ce qu'on interdit au nom d'une morale qui ne prend pas beaucoup en compte la souffrance de ceux (les infertiles et bien d'autres sur d'autres sujets) qui vivent ces questions là dans leur quotidien et qui voient leur avenir en pointillé. Voilà c'était mon coup de stress du jour qui s'est transformé en coup de gueule !