Un blog de FIV, entre difficultés, doutes et espoirs. Et avec des infos scientifiques sur l'AMP
Une étude intéressante (même si elle fera froid dans le dos de certaines PMettes, moi la 1ere, cf les chiffres finaux sur ceux qui ont réussi à avoir un enfant...) sur l'arrêt de la PMA dans les couples consultant et pris en charge pour infertilité masculine. Un article paru dans la toujours très intéressante revue de presse scientifique MBR Infos de février. Mais qui m'a tristement rappelé le triste post de Soft lu il y a déjà quelques mois...
Pourquoi les couples consultant pour des problèmes d’infertilité masculine arrêtent-il leur prise en charge médicale sans avoir réussi à obtenir un enfant ?
Près de la moitié des couples ayant consulté pour infertilité masculine décident d’arrêter leur prise en charge médicale sans avoir pu obtenir un enfant !
Titre de l'article initial: Treatment discontinuation in couples consulting for male infertility after failing to conceive
Auteur de l'article initial: Marie Walschaerts
Référence de l'article initial: Fertility and Sterility, 2012, in press
Rédacteur MBR Info: Marie Walschaerts
Date de publication MBR Info: Février 2013
INTRODUCTION
Dans les pays développés, on estime qu'entre 9 et 14% des couples présenteront des difficultés à concevoir et en France, un couple sur sept consultera pour infertilité au cours de sa vie reproductive, avec une responsabilité partagée entre l'homme et la femme.
L'assistance médicale à la procréation (AMP) a permis de donner de l’espoir pour ces couples infertiles, notamment avec le développement de la technique d’ICSI (injection intra-cytoplasmique) chez les couples présentant des problèmes d’infertilité majoritairement d’origine masculine.
Pourtant, un nombre important de ces couples stoppe leur prise en charge alors même qu’ils n’ont pas réussi à obtenir d’enfant.
C’est pourquoi l’objectif de cette étude est de connaître les raisons qui poussent ces couples à arrêter leur parcours médical, qu’ils aient ou non fait appel à un traitement par AMP, notamment dans le cas des couples ayant des problèmes d’infertilité masculine.
MATERIEL ET METHODES
En 2008, nous avons réalisé une étude sur une cohorte rétrospective incluant tous les hommes ayant consulté pour infécondité masculine entre Janvier 2000 et Décembre 2004 au Centre de Stérilité Masculine à Toulouse (CSM), CHU de Paule de Viguier. Les couples ont été suivis à l'entrée et pendant le traitement par un andrologue jusqu'à l’arrêt de leur prise en charge ou la naissance d'un enfant (la durée du suivi variait de 4 à 9 ans selon la date d'inclusion).
Une enquête téléphonique a été réalisée afin de collecter des informations sur la réalisation du projet parental (y compris l’adoption) auprès de l’ensemble de ces couples, ainsi que les raisons de l’arrêt de leur prise en charge médicale et qui a pris la décision. A partir des dossiers médicaux, l’origine de l’infécondité, le type de traitement et les examens biologiques ont été recueillis.
Seuls les couples dont les hommes présentaient un examen de sperme anormal (selon les critères de l’OMS 2010 : concentration < 15 millions spz/mL et/ou mobilité < 32%) ont été inclus dans l’étude.
Les traitements proposés en première intention au CSM sont les traitements non AMP (c’est-à-dire un traitement médicamenteux – AINS, antibiotiques, antioxydants, anti-oestrogènes (E) (14), la varicocélectomie, la chirurgie des testicules/canaux déférents/épididymes) puis les traitements AMP (IIU – insémination intra-utérine, FIV – fécondation in vitro, ICSI ou AMP avec sperme de donneur).
RESULTATS
Sur les 1735 couples ayant consulté, 1345 (78%) hommes présentaient une altération de la spermatogenèse. 879 (65%) ont répondu aux questionnaires, 149 (11%) ont refusé et 317 (24%) n’ont pas pu être joints. Au total, 407 (soit 46% des 879 patients venus au CSM et ayant répondu à l’enquête) couples ayant consulté pour des problèmes d’infertilité masculine ont décidé d’arrêter toute prise en charge médicale sans savoir réussi à avoir un enfant (Figure 1).
Figure 1 : Devenir des couples traités au CSM entre 2000 et 2004.
Parmi ces 407 couples, 218 (54%) ont eu recours à un traitement uniquement médicamenteux ou chirurgical (groupe I: 60% ont reçu un traitement médicamenteux et 4% un traitement médicamenteux et/ou chirurgical) et les 189 (46%) autres restant ont fait appel à l’AMP (groupe II: nombre moyen de cycles = 4±2).
La décision d’arrêter a été prise majoritairement par le couple (48%, pas de différence entre le groupe I et le groupe II).
Les principales raisons d’abandon en cours de traitement étaient la lourdeur et la difficulté à supporter les traitements et leur inefficacité, notamment chez les couples ayant eu un traitement par AMP. Par contre, on retrouve une plus grande proportion de séparation chez les couples n’ayant eu recours qu’à un traitement non AMP (18%) que chez ceux ayant eu une AMP (7%) (Figure 2).
(¶ indique une différence statistique entre le groupe I (traitement non AMP) et le groupe II (traitement AMP))
Figure 2 : Raisons de l’arrêt de la prise en charge
Finalement, 27% des couples sont partis consulter ailleurs et 8% d’entre eux ont réussi à avoir un enfant par AMP et 1% grâce à un don de sperme. L’adoption a été une autre des solutions envisagées et abouties chez 11% de ces couples.
CONCLUSION
En conclusion, nous avons pu observer que près de la moitié des couples ayant consulté pour infertilité masculine décident d’arrêter leur prise en charge médicale sans avoir pu obtenir un enfant et que seulement un cinquième d’entre eux y réussiront, soit dans un autre centre d’infertilité, soit en ayant recours à l’adoption.
Les principales raisons d’abandon s’expliquent essentiellement par l’impact physique et psychologique des traitements d’AMP, même avec un suivi psychologique et médical du couple. Une autre hypothèse serait également une culpabilité de la part des hommes qui pourraient se sentir responsables des lourds traitements supportés par leur conjointe alors que la principale raison d’infertilité est d’origine masculine.
POINTS FAIBLES
Etude rétrospective → 24% de perdus de vue (mais équivalent voire moindre que les pourcentages observés dans d’autres études).
Une différence statistique sur l’âge entre ceux qui ont refusé de participer et les participants + les perdus de vue.
POINTS FORTS
Une cohorte de départ de 1735 couples.
Un recul de 4 à 8 ans
Une étude sur l’impact de l’infertilité masculine dans l’arrêt de la prise en charge dans un centre d’infertilité.
Très peu de données sur les raisons d’abandon chez les couples présentant un problème d’infertilité masculine.