Un blog de FIV, entre difficultés, doutes et espoirs. Et avec des infos scientifiques sur l'AMP
Un article publié par la très informative lettre MBR Info. L'ICSI est elle réservée aux indications d'infertilité masculine ? la réponse reste grosso modo: Oui ! Si seulement il y avait eu depuis d'autres grands progrès en médecine de la reproduction...
ICSI en dehors des indications masculines: opinion des experts de l’ASRM et de l’ART
Recommandations pratiques réalisées par l’ASRM et l’ART très claires, didactiques, et étayées par les données de la littérature…de même que la synthèse réalisée. Lecture recommandée (NDLR).
Titre de l'article initial
Intracytoplasmic sperm injection (ICSI) for non-male factor infertility: a committee opinion
Auteur de l'article initial
The practice Committees of the American Society for Reproductive Medicine and Society for Assisted Reproductive Technology
Référence de l'article initial
Fertility and Fertility, 2012, in press
INTRODUCTION
Les premières indications de l’ICSI (Intra Cytoplasmic Sperm Injection), lors de ses débuts d’application en 1992, concernaient les couples ayant une infertilité d’origine masculine ou les couples ayant présenté un défaut de fécondation lors de précédente(s) prise en charge en FIV (Fécondation In Vitro). De nombreuses études démontrent aujourd’hui l’innocuité et l’efficacité de la méthode d’ICSI.
Peu à peu, l’extension de l’indication de l’ICSI pour les patients présentant des paramètres spermiologiques à la limite de la normale ou normaux s’est mise en en place. Les indications proposées alors sont : l’infertilité inexpliquée, la mauvaise qualité ovocytaire, la faible réserve ovocytaire, l’âge maternel avancé, les échecs de fécondation, le diagnostic pré-implantatoire (DPI), la fécondation après maturation ovocytaire in vitro (MIV) et la fécondation des ovocytes congelés. Le rationnel de toutes ces indications, hormis le DPI, serait pour éviter les échecs de fécondation. Néanmoins lorsque l’ICSI est utilisée pour ces indications, l’idée de la possibilité d’échec de fécondation doit être contrebalancée par les risques potentiels de la procédure et son coût.
ICSI POUR INFERTILITE INEXPLIQUEE
L’indication de l’ICSI a été posée pour les patients présentant une infertilité inexpliquée en raison du passage des barrières potentielles physiologiques de la fécondation qui pourraient expliquer cette infertilité. Deux études (Hershlag et al. 2002 ; Jaroudi et al. 2003), réalisées chez des patients présentant une infertilité inexpliquée, ont comparé les taux de fécondation observés sur des cohortes d’ovocytes inséminés pour une part en FIV conventionnelle et d’autre part par ICSI. Les résultats observés montrent un taux de fécondation plus élevé après ICSI, comparé à la FIV (65,3% vs 48,1% pour la première étude et 61% vs. 51,6% pour la seconde étude). De plus, les échecs de fécondation observés étaient plus fréquents après FIV (16,7% vs 0% pour la première étude et 19,2% vs. 0,8% pour la seconde étude), comparé à l’ICSI. Cependant, ces études ont été réalisées sur des ovocytes provenant d’une même cohorte et les embryons transférés étaient issus de fécondations obtenues par FIV et par ICSI pour la même patiente. Aucune analyse des résultats des taux d’implantation, de grossesses et d’accouchements n’a donc pu être réalisée sur ces études.
Une autre étude ayant inclus 60 femmes présentant une infertilité inexpliquée de façon randomisée en FIV ou en ICSI ne montre pas de différence du taux de fécondation (77,2% vs. 82,4%), de la qualité embryonnaire, du taux d’implantation (38,2% vs. 44,4%), du taux de grossesse clinique (50% dans chaque groupe) et du taux d’accouchement dans les deux groupes. Deux cas d’échec de fécondation ont été rapportés dans le groupe de FIV. La limite de cette étude est néanmoins le faible nombre de patientes inclus. De façon similaire, une autre étude randomisée effectuée chez 100 patientes (Aboulghar et al. 1996) ne rapporte pas de différence entre les deux groupes concernant le taux de grossesse (32% vs 38%). Dans cette étude, un seul échec de fécondation en FIV a été rapporté.
Les données de la littérature à propos de l’indication de l’ICSI pour infertilité inexpliquée sont limitées et ne démontrent pas de bénéfice à l’utilisation de l’ICSI dans ce cas particulier. Des études complémentaires sont donc nécessaires pour évaluer l’avantage ou non de l’indication de l’ICSI pour cette population de patientes.
ICSI POUR MAUVAISE QUALITE OVOCYTAIRE
Aucune étude n’a évalué si l’injection de spermatozoïdes provenant de spermes normaux dans des ovocytes présentant des anomalies morphologiques (anomalies nucléaires, cytoplasmique ou de la zone pellucide) peut améliorer les résultats cliniques.
ICSI POUR FAIBLE RESERVE OVOCYTAIRE
Lorsque le nombre d’ovocytes est faible, alors L’ICSI est utilisée couramment pour, en théorie, optimiser le nombre potentiel d’embryons, comparé au nombre attendu après FIV. Une étude randomisée contrôlée de 96 patientes (Moreno et al., 1998) sans facteur masculin associé qui avaient 6 ovocytes rapportent des résultats similaires concernant les taux de fécondation (77,7% vs. 70,2%), les échecs de fécondation (11,5% vs. 11,5%), la qualité embryonnaire et le nombre d’embryons par patiente (2,5 vs. 2,2), le taux de grossesses cliniques (17,3% vs. 21,1%) et le taux de fausses couches (33,3% vs. 36,4%). Une étude récente (Luna et al. 2011) réalisée sur une plus grande cohorte de patientes confirme ces données.
Sur la base de ces données, l’indication de l’ICSI pour faible réserve ovocytaire ne permet donc pas d’améliorer le taux de fécondation, le nombre d’embryon et leur qualité, et le taux de grossesse.
ICSI POUR AGE MATERNEL AVANCE
Les ovocytes ponctionnés chez les femmes ayant un âge avancé doivent en théorie avoir des altérations de la structure de la zone pellucide et/ou du cytoplasme qui peuvent réduire les taux de fécondation par FIV.
En pratique, le taux de fécondation chez les femmes âgées de plus de 35 ans est similaire en FIV ou en ICSI (Kim et al. 2007). Aucune étude rapportant le bénéfice potentiel de l’ICSI concernant la qualité embryonnaire ou le taux d’implantation n’a été rapportée.
ICSI POUR ECHEC DE FECONDATION EN FIV
L’utilisation de l’ICSI en raison d’un échec total de fécondation par FIV alors que les paramètres du sperme étaient normaux est évoquée pour réduire le risque d’un nouvel échec de fécondation. Des études rétrospectives ont démontré que dans ce cas, le recours à la FIV pour une nouvelle tentative permettait d’obtenir des taux de fécondation allant de 30 à 97% (Roest et al. 1998 ; Lipitz et al. 1994 ; Kinzer et al. 2008). Ces échecs de fécondation ont alors été rapportés comme étant liés au nombre de follicules, d’ovocytes ponctionnés et d’ovocytes matures. Dans une autre étude (van der Westerlaken et al. 2005), des ovocytes d’une même cohorte, ponctionnés lors d’une deuxième tentative après échec de fécondation lors de la première tentative, sont répartis pour moitiés en FIV et l’autre moitié en ICSI. Les résultats obtenus montrent un taux de fécondation supérieur après ICSI (48%) comparé à la FIV (11%).
Bien que l’échec de fécondation après FIV semble lié à la qualité de la stimulation ovarienne, l’utilisation de l’ICSI pour une nouvelle tentative permet de diminuer significativement le risque d’un nouvel échec de fécondation.
ICSI POUR TOUTES LES INDICATIONS (EN ROUTINE)
L’utilisation de l’ICSI en routine, sans tenir compte de l’étiologie de l’infertilité, a été proposée. Le rationnel de cette indication serait de diminuer le risque d’échec de fécondation et d ‘augmenter le nombre d’embryons potentiel. Une étude contrôlée, randomisée (FIV versus ICSI) et multicentrique a été réalisée chez 415 couples sans facteur d’infertilité masculine (Bhattacharya et al., 2001). Le taux de fécondation était alors plus élevé après FIV qu’en ICSI (58% versus 47%). Les échecs de fécondation étaient observés de façon similaire dans les deux groupes (5% versus 2%). De plus, le taux de grossesse clinique était similaire dans les deux groupes (33% versus 26%). L’étude a donc conclu que l’ICSI doit être réservée aux indications d’infertilité masculine. D’autres études non randomisées comparant FIV et ICSI rapportent des données similaires. Le cout des techniques doit également être pris en compte.
L’utilisation de l’ICSI en routine ne semble donc pas justifiée dans les cas sans infertilité masculine associée ou une histoire préalable d’échec de fécondation.
ICSI POUR DIAGNOSTIC PREIMPLANTATOIRE (DPI)
L’ICSI est utilisée pour le DPI. Le rationnel de son utilisation est d’éviter la polyspermie, d’optimiser la fécondation et d’éliminer le risque potentiel de contamination paternelle potentielle du fait de l’attachement des spermatozoïdes à la zone pellucide.
Bien qu’il n’y ait pas d’études contrôlées, randomisées, la contamination potentielle paternelle justifie à elle seule l’utilsiation de l’ICSI dans cette indication.
ICSI APRES MATURATION IN VITRO (MIV)
La procédure de MIV peut être à l’origine d’altérations de la zone pellucide qui réduirait le potentiel de fécondation par FIV conventionnelle. Une étude randomisée (Hwang et al. 2000) a étudié la fécondation des ovocytes maturés par FIV conventionnelle d’un part et par ICSI d’autre part. Le taux de fécondation observé était alors significativement plus faible après FIV conventionnelle comparé à l’ICSI. Une autre étude (Tucker at. al, 2001) confirme ces données et montre des taux de grossesse similaires pour les embryons fécondés par les deux techniques et un taux d’implantation significativement plus élevé lorsque la fécondation s’est déroulée après FIV.
Il semble donc que l’ICSI apporte de meilleurs taux de fécondation, comparé à la FIV sur les ovocytes maturés in vitro. Néanmoins, des études complémentaires sont nécessaires pour étayer cette hypothèse.
ICSI POUR LES OVOCYTES CRYOPRESERVES
D’une façon générale, la décoronisation des ovocytes est réalisée avant leur cryopréservation. Ceci peut être à l’origine de modifications de la zone pellucide qui pourrait réduire les chances de fécondation par FIV conventionnelle. Pour cette raison, l’ICSI est préférée pour l’injection des ovocytes congelés/décongelés. Peu de données comparant les taux de fécondation par FIV et par ICSI des ovocytes cryopréservés sont rapportés dans la littérature.
AUTRES CONSIDERATIONS CONCERNANT L’ICSI POUR INFERTILITE NON MASCULINE
Il a été rapporté dans la littérature des conséquences potentielles, en particulier génétiques, chez les enfants nés d’ICSI en raison des facteurs masculins d’infertilité. Les risques potentiels de l’ICSI à la descendance sur des indications non masculines n’ont pas été évalués.
L’ICSI requiert un savoir faire technique du laboratoire, des ressources, des efforts et du temps. Ainsi, l’extension des indications de l’ICSI augmente la complexité et le cout de l’assistance médicale à la procréation.
RESUME
- L’ICSI est une méthode sûre et efficace pour le traitement de l’infertilité masculine
- L’ICSI peut permettre une augmentation du taux de fécondation lorsque sur une tentative précédente par FIV conventionnelle a été observée une absence de fécondation ou un taux de fécondation faible.
- L’ICSI pour infertilité inexpliquée ne permet pas d’améliorer les résultats
- L’ICSI pour faible réserve ovocytaire ou âge avancé ne permet pas d’améliorer les résultats
- L’utilisation en routine de l’ICSI peut potentiellement réduire l’incidence d’absence de fécondation inexpliquée ; cependant plus de 30 couples doivent bénéficier d’une ICSI pour prévenir une absence de fécondation.
- l’ICSI peut être un bénéfice pour les patients devant bénéficier d’un DPI, d’une MIV et pour la fécondation des ovocytes cryopréservés.
CONCLUSIONS
Aucune donnée ne démontre l’intérêt de l’ICSI en routine.
L’ICSI peut être un bénéfice pour les patients devant bénéficier d’un DPI, d’une MIV et pour la fécondation des ovocytes cryopréservés.
La sécurité et le coût de l’ICSI pour l’infertilité non masculine doivent être pris en compte.
ANALYSE DE L’ARTICLE
Recommandations pratiques réalisées par l’ASRM et l’ART très claires, didactiques, et étayées par les données de la littérature.
Ces recommandations mériteraient d’être suivies dans notre pratique quotidienne. Elles pourraient servir de base de travail à un guide de bonne pratique…